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Un défi funeste lancé aux ados sous haute surveillance

Image d'illustration.

La première étape paraît anodine. Il suffit de dessiner une baleine sur une feuille de papier. Rapidement, les défis deviennent de plus en plus dangereux et funestes. De la scarification à l'isolement social, jusqu'au cinquantième défi qui consiste à se donner la mort. Le Blue Whale Challenge, qui tire son nom de la légende selon laquelle un cétacé serait capable de se suicider en s'échouant volontairement, a envahi depuis peu Internet et pullulé sur les réseaux sociaux. Entraînant dans son sillage son lot de croyances, d'images choquantes et de messages de panique.

Sarah*, une adolescente vaudoise, affirme avoir participé à ce nouveau challenge. Sous l'emprise d'un parrain, elle aurait réalisé presque une vingtaine d'étapes. Avant d'appeler à l'aide l'association de soutien aux jeunes Telme, située à Lausanne. Sur la ligne du 147, elle explique alors se sentir menacée par la personne qui la parraine dans le «jeu». Elle a reçu la date de sa mort et ne veut pas passer à l'acte. Selon elle, le parrain connaîtrait son numéro et même son adresse. Il la menace de la tuer si elle ne poursuit pas les défis.

Où est la vérité?

Sordide rumeur ou réalité morbide? Ce qui est sûr, c'est que le Blue Whale Challenge occupe une place de choix sur Internet. Parmi les nombreuses vidéos postées sur YouTube, certaines affichent plus de 200'000 clics. Sur Instagram, plus de 27'000 images ont été postées sur le compte du défi de la baleine bleue.

Le challenge aurait débuté en Russie sous l'impulsion de trois jeunes. Selon certaines sources impossibles à confirmer, 80 adolescents au moins auraient trouvé la mort à la suite de ce «jeu» en l'espace de six mois. En France, les autorités ont diffusé un message officiel de prévention. Les réseaux sociaux, eux, ont commencé à bloquer les accès et à poster des messages de mises en garde. De nombreux groupes luttant contre ce challenge ont aussi été créés.

Et pourtant, aucune preuve ne permet d'affirmer que ce jeu dangereux est réel. Les dizaines de vidéos d'ados qui mettent en garde contre ce défi véhiculent toujours les mêmes mots, les mêmes histoires et les mêmes images. Et si ce défi avait été construit jusqu'à en faire une légende urbaine nocive? Difficile de balayer cette hypothèse, même si le simple fait de croire à son existence pourrait déjà inciter un jeune à s'y intéresser.

Chez les professionnels de la prévention comme de la police, on se montre prudent. «Nous prenons ce nouveau challenge évidemment au sérieux. Nous devons toutefois aller plus loin pour savoir s'il existe réellement, explique Jean-Marc Granger, chef de la Brigade de la jeunesse de Lausanne. Peu d'éléments ont pu être vérifiés, nous ne savons entre autres pas combien de jeunes pourraient être impliqués.»

Responsable du Service de psychologie scolaire de la capitale vaudoise, Raphaël Gerber s'interroge: «Comment communiquent les parrains avec les adolescents? En quelle langue puisqu'ils seraient Russes? Y a-t-il de vraies personnes derrière ce challenge?» «Si ce défi est bien réel, il serait alors très organisé et proche d'un embrigadement sectaire», ajoute Raphaël Trémeaud, directeur de l'association Ciao qui vient en aide aux jeunes.

Les dizaines d'adolescents qui affirment y avoir participé le feraient-ils pour se valoriser ou pour appeler à l'aide? Dans tous les cas, Sarah, la jeune Vaudoise, a été prise en charge par les milieux associatifs et par la Brigade de la jeunesse. «Nous l'avons rassurée sur le fait qu'elle pouvait arrêter ce défi et qu'elle ne risquait rien», explique Jean-Marc Granger.

Attentifs donc, sans être alarmistes: voilà pour la ligne actuelle. «Nous sommes en contact direct avec les enseignants et les directeurs des écoles lausannoises, précise Raphaël Gerber. Il faut tout d'abord voir si ce n'est pas une rumeur et s'il y a des cas chez nous. Mais nous sommes prêts à mener une action de prévention auprès des parents si cela s'avère nécessaire.» Au Canton, on privilégie la discrétion. «En parlant de ces défis frontalement aux jeunes, le risque est au contraire de susciter l'intérêt, insiste Dr Olivier Duperrex, responsable de l'Unité de promotion de la santé de prévention en milieu scolaire. C'est pourquoi nous ne faisons pas d'action de prévention généralisée, mais plutôt ciblée auprès de certains jeunes si cela est nécessaire. Ou en réponse à leurs questions lors de prévention en lien avec Internet et les réseaux sociaux.»

Toujours plus de challenges

Rien de nouveau à voir des jeunes se mettre au défi. Tous les professionnels le disent, il s'agit même d'une caractéristique de l'adolescence. «Cela a toujours existé, explique Serge Pochon, psychologue et directeur de l'association Telme. Les jeunes ont besoin de se tester, ils recherchent l'adrénaline, malheureusement parfois à n'importe quel prix.» Mais aujourd'hui, les défis se multiplient sur Internet. Et avec eux, leur visibilité et leur intensité. «Le contrôle social n'est plus aussi important qu'auparavant, la communauté virtuelle encourage à relever ces défis et ils deviennent plus dangereux», analyse Raphaël Gerber. «L'effet de masse est problématique, enchaîne Serge Pochon. L'envie de se singulariser est donc plus grande aujourd'hui.»

Tous les défis n'atteignent pas l'horreur du Blue Whale Challenge. Certains incitent un jeune à ingurgiter des cuillères de cannelle jusqu'à vomir. D'autres, plus graves, amène le jeune à se mettre des glaçons et du sel sur le corps et ainsi à se brûler la peau.

Pour chacun d'eux, il faut donc déconstruire la fascination qu'il pourrait entraîner auprès des ados. Même si tous les professionnels rappellent que les jeunes Vaudois se portent généralement bien et qu'ils ne sont pas crédules, un adolescent fragilisé pourrait mordre à l'hameçon. Et la police de rappeler que des outils légaux existent aussi pour se protéger et pour lutter contre les dérives. «L'incitation au suicide, comme les menaces ou la contrainte sont pénalement répréhensibles, précise le chef de la Brigade de la jeunesse de Lausanne. L'aide aux victimes peut aussi apporter un soutien juridique et psychologique.»

* Prénom d'emprunt